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La Matière du temps

« Le travail avec l’acier, non pas comme élément de construction d’un paysage, mais comme un matériau de construction en termes de masse, poids, contrepoids, capacité de charge, charge concentrée, compression, friction et statique, a toujours été tenu à l’écart de l’histoire de la sculpture. Et pourtant, il a trouvé une application directe dans l’histoire de l’architecture, de la technologie et de la construction industrielle. C’est la logique des tours, des barrages, des silos, des ponts, des gratte-ciel, des tunnels… »1.

Introduction

Dans son installation La Matière du temps, et dans la plupart de ses œuvres, Richard Serra (San Francisco, États-Unis, 1938) a utilisé de l’acier auto-patiné ou Corten, habituellement employé dans le bâtiment et dont la couleur varie au fil du temps. Mais pour Serra, le matériau essentiel de ces œuvres est l’espace.

Toutes les pièces qui composent l’installation La Matière du temps sont réalisées dans ce type d’acier auto-patiné, qu’on retrouve dans la construction de ponts et d’édifices. Un matériau historiquement associé au monde de l’architecture et de l’ingénierie. Exposée aux intempéries, la couleur de ce matériau se modifie progressivement, passant du gris à l’orange, pour finir marron foncé au bout de sept ou huit ans. En dix ans environ, le processus d’oxydation une fois terminé (plus lent à l’intérieur qu’à l’extérieur) laisse apparaître des pièces à la surface uniforme, lisse et continue. Dans son processus de travail, Serra vérifie d’abord ses idées sur des maquettes puis, à l’aide d’un logiciel de calcul dénommé CATIA, qui calcule la position et les angles des plaques, il construit ses sculptures. Finalement, les œuvres sont fabriquées à grande échelle dans des usines qui produisent et courbent les plaques d’acier. L’artiste conçoit donc l’œuvre mais, les dimensions, le poids et les caractéristiques de cette dernière l’obligent à faire appel à des collaborateurs pour matérialiser son idée.

Le plomb et l’acier sont les matériaux qu’il a le plus utilisés tout au long de sa carrière, l’acier étant toutefois le plus fréquent depuis les années soixante-dix. Ce sont des matériaux qui lui sont familiers, puisque lui-même travailla dans une aciérie pour se financer pendant ses études. Mais pour Serra, le matériau essentiel de ces œuvres reste l’espace 2. La série inachevée Torsions elliptiques (Torqued Ellipses, 1996–), représentée au sein de La Matière du temps par deux pièces, relève également du vocabulaire artistique de Serra, tout en reflétant une rupture significative. Alors que la physicalité de l’espace a toujours été l’une des grandes préoccupations de cet artiste, dans ces œuvres, c’est l’espace qui devient le matériau. « Dans la plupart des œuvres antérieures à Torsions elliptiques, je créais l’espace entre le matériau que je manipulais et je me concentrais sur la dimension de l’œuvre et sa place par rapport à un contexte donné. Dans ces œuvres en revanche, j’ai commencé par le vide, autrement dit par l’espace, je suis allé de l’intérieur vers l’extérieur, et non l’inverse, pour pouvoir trouver la peau » 3. Dans les Torsions elliptiques, l’acier se tord comme une peau qui renferme les vides elliptiques. C’est ce que le propre Serra appelle d’ailleurs les « réceptacles ». L’acier incurvé configure l’épiderme de cavités elliptiques.

Serra conçoit ses sculptures pour les installer dans un endroit spécifique, en plein air ou à l’intérieur de galeries ou de musées. Les pièces de l’installation, qui comprennent plusieurs torsions elliptiques et torsions spirales, ont été créées pour la plus grande salle du Musée Guggenheim Bilbao, conçu lui-même par l’architecte Frank Gehry. Serra affirme que c’est le seul endroit au monde où elles auraient pu être installées. Il a ainsi créé ses huit sculptures pour qu’elles produisent un effet d’ensemble, dans lequel l’espace qu’elles occupent est aussi impliqué. Les œuvres, en dialoguant avec leur environnement architectural, redéfinissent cet espace. Lorsqu’il entre dans l’énorme salle, le visiteur pénètre dans la sculpture et l’espace allongé de la salle fait en réalité partie du champ spatial des œuvres.

 

1 Richard Serra. Cat. expo. Richard Serra. Sculpture 1985-1999. Musée Guggenheim Bilbao, Bilbao, 27 mars – 17 octobre 1999, page 59.

2 Richard Serra. Cat. expo. Richard Serra. Sculpture 1985–1999. Musée Guggenheim Bilbao, Bilbao, 27 mars – 17 octobre 1999, page 57.

3 Lynne Cooke et Michael Govan. "Interview with Richard Serra", dans Richard Serra: Torqued Elipses,  Dia Center for the Arts, New York, 1997, page 13.

Preguntas

Énumérez des objets ou éléments qui se fabriquent avec de l’acier. Quelles propriétés possède ce matériau ? Quelles qualités vous suggère-t-il ? L’acier auto-patiné  change de couleur au fil du temps. Qu’apporte ce comportement du matériau à l’œuvre ? Pourquoi pensez-vous que Serra a choisi l’acier auto-patiné pour ses sculptures ? Que vous suggère le changement de couleurs qui affecte ce type d’acier au fil des ans ?

Montrez à vos élèves des images de l’installation La Matière du temps et posez ces questions : quels mots emploieriez-vous pour décrire la surface du matériau ? Que veut dire l’artiste quand il affirme que le principal matériau de ces œuvres est l’espace ? Pourquoi pensez-vous que l’artiste cherche à inclure l’espace dans ses œuvres ? Quand vous visiterez l’installation, identifiez des espaces qui font partie de la sculpture, à l’intérieur et à l’extérieur de celle-ci.

L’artiste conçoit l’œuvre mais ses dimensions, son poids et ses caractéristiques l’obligent à faire appel à des collaborateurs pour matérialiser son idée. Que pensez-vous du processus de travail de Serra ? Quels en sont les avantages ? Quels en sont les inconvénients ? Pourquoi a-t-il choisi de travailler de cette manière ?

Quels matériaux considérez-vous typiques de la sculpture ? Et de l’architecture ? Et de l’ingénierie ? Lesquels peuvent être communs ? Quels peuvent être les avantages et les inconvénients d’échanger les matériaux entre une discipline et une autre ?