Certains artistes font le choix d’adopter une approche sérielle de leur travail et suivent un processus ou des paramètres systématiques, qui l’emportent sur la réalisation de l’oeuvre. Certaines oeuvres d’art en série sont fondées sur la répétition d’une unité standard, comme c’est le cas pour les plaques de cuivre d’Erlea Maneros Zabala, tandis que d’autres déclinent des variations d’un même thème, comme les peintures d’Antonio Saura, qui s’est consacré pendant des dizaines d’années à réfléchir à des questions telles que les multitudes et les crucifixions. Quant à Alex Katz, il fait acte de sérialité lorsqu’il répète des éléments tels que le cadrage, ou le traitement apporté à la figure et au fond, invitant par là le spectateur à se concentrer, non pas sur les motifs spécifiques représentés, mais sur l’expérimentation picturale à laquelle ils renvoient.
Alex Katz
Sourires [1994]
MATÉRIAUX : huile sur lin.
EFFETS : profonde réflexion sur la nature de la représentation et la perception des images.
INSPIRATION : puisée dans le cercle le plus intime (femme, amis...) de l’artiste. Des éléments tirés du cinéma, de
la publicité et de la mode sont aussi inclus.
ACTIONS : aplatissement de la surface, emploi d’un fond monochrome, répétition d’un même cadrage, d’un même
geste et d’un même traitement.
CONTEXTE ARTISTIQUE : Alex Katz s’est tenu à l’écart des différents mouvements artistiques –
expressionnisme abstrait, minimalisme et néo-expressionnisme – qui ont émergé au long de ses presque soixante
ans de carrière. Le portrait, notamment celui de son épouse, est le thème central de la plupart de ses peintures,
caractérisées par leur planéité et leur sérénité.
Antonio Saura
24 têtes [1957]
MATÉRIAUX : huile sur toile et technique mixte sur papier.
EFFETS : l’action de peindre elle-même est cruciale, inattendue et violente.
INSPIRATION : puisée dans des oeuvres de Diego Velázquez et de Francisco de Goya, entre autres artistes. Thèmes espagnols et fantasmes personnels, tels l’érotisme, le corps féminin, le passé ou la mort.
ACTIONS : réinterprétation émotionnelle d’oeuvres de l’histoire de l’art, effectuée à l’aide d’une palette de couleurs réduite à une gamme de gris.
CONTEXTE ARTISTIQUE : l’art informel, caractérisé par la prédominance de la spontanéité et de la gestualité dans l’exécution d’une peinture éminemment abstraite et de facture existentialiste.
Erlea Maneros Zabala
Graphie basque ; typographie et ornementation : 1961–1967 [2013]
MATÉRIAUX : 39 plaques à graver en cuivre.
EFFETS : renversement, transformation et sérialisation des images.
INSPIRATION : puisée dans la culture et l’histoire basques, moyennant l’appropriation de certaines de ses représentations. Emploi d’images politiques et historiques.
ACTIONS : approfondissement de l’interprétation que les médias font de l’histoire.
CONTEXTE ARTISTIQUE : l’art néo-conceptuel, comme affirmation de la fin de la modernité et comme critique de l’héritage qu’elle a laissé. Les notions de territoire, d’archives et de mémoire sont pour Erlea Maneros Zabala des outils habituels, qui lui servent à observer d’un oeil critique comment sont construits les discours dans l’actualité. Par ailleurs, l’artiste explore les processus de production et de distribution des images afin de remettre en question les notions d’auteur et d’authenticité.