GERMANO CELANT
À l’occasion de la clôture de l’exposition Richard Artschwager, dernier projet mis sur pied par Germano Celant (Gênes, 1940–Milan, 2020), le Musée Guggenheim Bilbao souhaite rendre hommage à celui qui fut un collaborateur admiré, un interlocuteur habituel et une présence inspiratrice, tant pour ce Musée que pour l’ensemble des Musées Guggenheim pendant plus de trente ans.
La remarquable rétrospective d’Artschwager, présentée entre février et août 2020 et organisée en collaboration avec le MART Museo d’Arte Moderna e Contemporanea di Trento e Rovereto, porte la marque reconnaissable entre toutes du style curatorial, explosif et élégant, de Germano Celant. Le parcours quasi labyrinthique, foisonnant de surprises, d’associations d’idées et d’œuvres, la solidité du récit et l’humour qui s’y déploie auront sans nul doute fait les délices de tous ceux qui l’ont visitée, que ce soit en personne ou virtuellement, au cours de cette année insolite qui nous laisse, entre nombre de pertes irréparables, celle du propre Germano. Celle-ci aura été sa cinquième grande exposition à Bilbao, après les inoubliables présentations consacrées à Andy Warhol (1999–2000), Anselm Kiefer (2000), la Collection Panza (2000–2001) et Giorgio Armani (2001).
Précurseur et iconoclaste, critique de référence et confident d’innombrables grands créateurs de notre époque, Germano Celant laisse le souvenir de l’une de ces personnalités qui ont donné forme à l’art contemporain du XXème siècle, mais aussi du XXIème. Détacher quelques hauts faits parmi tous ceux qui ont jalonné sa longue carrière n’est guère aisé, qu’il s’agisse de la définition de l’Arte Povera en 1967 ou des impressionnantes révisions historiques Arts & Foods en 2015 et Post Zang Tumb Tuuum en 2018, en passant par la direction artistique de la 47ème Biennale de Venise. Citons aussi, dans cet itinéraire exceptionnel, sa nomination au poste de curateur d’art contemporain du Solomon R. Guggenheim Museum de New York en 1988, à partir duquel il a contribué à l’internationalisation de l’institution. Peu de temps après, l’idée d’une entité muséale démultipliée dans le monde entier a ainsi pris forme sous la direction de Thomas Krens, activement épaulé par Germano, et s’est finalement matérialisée en 1997, grâce à l’audace visionnaire des institutions basques, avec l’inauguration du Musée Guggenheim Bilbao.
Germano a défendu dans tous les domaines ce qu’il appelait “une vision à 360 degrés”, alimentée par une incomparable aptitude à ressentir des affinités, nouer des liens et jeter des ponts entre des disciplines en apparence distantes. Convaincu qu’un fil continu sous-tend l’esprit artistique de notre temps, Germano n’a pas hésité à explorer l’architecture, le design, la mode et la gastronomie avec le même appétit que celui qui le guidait dans l’art. Soutien du design radical italien dans les années soixante-dix, au début des années quatre-vingt, il a été le premier à reconnaître le génie de Frank Gehry, architecte avec lequel il a forgé une durable amitié artistique et personnelle.
Érudit et populaire, multidisciplinaire, infatigable et anticonformiste, Germano Celant s’est distingué par une curiosité pour laquelle toutes les disciplines tendent vers un même horizon, celui de la connaissance humaine. Si Germano Cleant nous a donné à vivre plusieurs moments historiques de l’art de notre temps, il reste aussi une source d’inspiration pour l’avenir.
Juan Ignacio Vidarte
Directeur général, Musée Guggenheim Bilbao
Deputy Director & Chief Officer for Global Strategies, Solomon R. Guggenheim Foundation