Marine Hugonnier : Rapports de terrain

Anthropologue de formation, Hugonnier utilise dans son œuvre des stratégies documentaires et fictionnelles. L’élément central de cette exposition est le film Meadow Report (2021), une représentation des célèbres jardins de Giverny dans lesquels Claude Monet a créé un environnement artificiel et a peint, dans les dernières décennies de sa vie, ses célèbres Nymphéas, alors qu’il souffrait d’une perte de vision provoquée par la cataracte. Hugonnier place sa caméra au milieu de l’étang, au crépuscule, à la recherche d’une perspective qui ne peut pas être identifiée à la perspective humaine, pour observer le jardin, la silhouette des feuilles de nénuphar et l’emblématique pont vert de Monet. À un moment décisif, l’objectif est retiré de l’appareil photo afin de mettre le film analogique directement en contact avec l’environnement. L’image abstraite qui en résulte reflète les lumières éclatantes et les mouvements des êtres qui peuplent cette paisible nuit d’été. Le titre de la pièce nous invite à considérer cette opération à la lumière de la crise environnementale actuelle, en lien avec l’un des premiers documents publiés sur le changement climatique : le « Rapport Meadows » (1972), qui prédisait les conséquences catastrophiques de l’exploitation effrénée et soutenue des ressources de la planète.

En prélude à cette salle, la photographie de grand format Vers demain (Towards Tomorrow, 2001) présente une image prise par Hugonnier vers la Sibérie (Russie) depuis la côte américaine du détroit de Béring, en Alaska, à travers la ligne de changement de date internationale. Bien que ces deux endroits ne soient séparés que de 65 kilomètres, le fuseau horaire de la Sibérie est en avance de 24 heures sur celui de l’Alaska. Si chaque photo est un témoignage du passé, celle-ci capture également une vision de l’avenir. En face se trouve Le désir n’est presque rien, et pourtant... (Desire Is Not Much but Nonetheless, 2015), une étude de la sculpture romaine classique Hermaphrodite endormi, conservé au musée du Louvre. Fils d’Aphrodite et d’Hermès, Hermaphrodite est un personnage de la mythologie grecque. Le film d’Hugonnier en révèle le corps à mesure que la caméra suit les courbes de la sculpture en marbre, dont les pieds et les lèvres ont été animés numériquement. La boucle continue du film en noir et blanc est interrompue par de courtes séquences en couleurs. Mettant une nouvelle fois en abîme le prétendu « naturalisme » du registre filmique, la pièce d’Hugonnier tente d’entrevoir le désir dans un corps qui se place au-delà des conventions binaires, invitant le public à considérer de manière critique la possibilité d’un regard non-genré.

Marine Hugonnier est née à Paris et vit actuellement à Londres. Son travail a été montré dans des institutions internationales et a fait l’objet d’expositions individuelles dans des lieux comme le Jeu de Paume à Paris, la Villa Romana à Florence, Kunstverein Brauschweig, Die Tankstelle Berlin, Konsthall Malmö, et la 52ème Biennale d’Art de Venise. Ses oeuvres font également partie de nombreuses collections publiques, dont Arts Council, Angleterre; Fundaçao Serralves, Portugal; Fondazione Sandretto Rebaudengo, Turin; FNAC- Fonds national d’art contemporain, France; MACBA – Museu d’Art Contemporani, Barcelone; MoMA — The Museum of Modern Art, New York; MAM — Musée d’Art moderne de la Ville de Paris; The National Gallery of Art, Washington DC; Museo Nacional Centro De Arte Reina Sofía, Madrid; et Museo Jumex, México. Hugonnier est aussi docteure et professeure de la Karlsruhe University of Arts and Design, Allemagne.

Salle : 103
Commissaire : Manuel Cirauqui

Marine Hugonnier
Rapport Prairie, 2021
Film 35 mm, couleur, son
Courtoisie de l'artiste
© Marine Hugonnier