Origine et avenir
Galerie 203
ESPACE CINÉMA
Dans cet espace sont projetés en boucle deux courts métrages réalisés par de jeunes cinéastes.
La longue histoire de la colonisation joue ici un rôle majeur, et dans cette histoire un type de tissu qui, par erreur, se convertit en symbole de la tradition africaine (occidentale) : le tissu africain dénommé ankara. Au milieu du XIXe siècle, plusieurs compagnies anglaises et hollandaises – dont Vlisco, qui devint rapidement leader sur le marché et continue de l’être – commencèrent à fabriquer industriellement les batiks indonésiens. La façon dont ils arrivèrent en Afrique fait l’objet d’un débat mais ces tissus imprimés et colorés devinrent si populaires sur ce continent qu’ils n’atteignirent jamais le marché hollandais auquel ils étaient destinés. Actuellement, de nombreux designers et artistes utilisent ces imprimés dans leurs créations, alors que parallèlement, de plus en plus de voix critiquent l’adoption de ce produit, évocateur de l’époque coloniale.
Nous ne regardons pas vers l’est ni vers l’ouest ; nous regardons vers l’avant.
Kwame Nkrumah, premier président du Ghana, lors d’un discours à Accra, 1960
"Nous ne regardons pas vers l’est ni vers l’ouest ; nous regardons vers l’avant."
KTDA House (Chai House)
Jusqu’à sa démolition durant l’été 2014, KTDA Chai House était la dernière preuve visible et accessible du futurisme joyeux qui, durant une brève période d’optimisme, régna dans l’Afrique urbaine et post-coloniale des années 1960 et du début des années 1970.
La confiance en soi d’une nation indépendante se manifestait dans cet édifice. KTDA Chai House se trouvait au centre de Nairobi et était le plus grand symbole de la richesse économique du Kenya, après le café : KTDA est le groupe de producteurs de thé qui joua un rôle majeur dans le processus de décolonisation. Non contents d’avoir fait preuve d’une attitude progressiste en faisant construire un simple immeuble de bureaux d’avant-garde, ces représentants de l’agriculture moderne se permirent le luxe d’y ajouter un agrandissement en forme de « soucoupe volante » : une construction circulaire qui repose sur une seule colonne. Cette annexe de l’édifice abritait le célèbre New Florida Nightclub, où les habitants de la capitale se divertissaient et célébraient l’orgueil de leur nation. Sous le club, une station-service complétait une triade peu commune d’usagers d’édifices. Le bâtiment fut inclus dans une étude du théoricien de l’architecture Manuel Herz, qui vit à Bâle et s’est récemment livré à une analyse complète de l’architecture africaine moderne.
Ikiré Jones : Our Africa 2081 A.D.
La collection automne-hiver 2013/2014 The Escape to New Lagos a été le premier succès de la marque Ikiré Jones, dirigée par le créateur de mode nigérian Walé Oyédijé. Les propositions de la collection furent illustrées par l’artiste Olalekan Jeyfous, alias Vigilism, qui a transporté l’homme intelligent et cosmopolite d’Ikiré Jones à une scène futuriste : Lagos en l’an 2081.
Sous le titre Our Africa 2081 A.D., l’œuvre s’érigea en mythe créateur de la marque qui se projeta dans le futur et n’a cessé depuis d’évoluer pour s’étendre à d’autres métropoles africaines : en six histoires brèves et merveilleusement illustrées, on voit se déployer des scènes de Nairobi, Johannesburg et Lagos de la fin du XXIe siècle. Aucune, qu’elle soit utopique ou dystopique, n’est complètement inventée et toutes possèdent des liens réels avec le présent.
Pierre-Christophe Gam : Taali M
Le site Internet de Taali M, une chanteuse française d’ascendance congolaise, tchadienne et égyptienne, est une expérience d’immersion dans la couleur, le son et le rythme.
Tout au long d’une série de scènes fantastiques qui se déploient au fur et à mesure que le visiteur se submerge dans le site, la chanteuse joue le rôle de guide, comme personnage symbolique évoquant une reine ou une prêtresse de l’Antiquité. Pierre-Christophe Gam, directeur artistique de la chanteuse et créateur du site Internet, décrit l’expérience qu’il voulait créer comme une sorte de téléportation à un Royaume africain. « Nous pourrions nous trouver dans le royaume du Congo, de Dahomey ou du Mali, à un moment du XIIIe ou XIVe siècle », commente-t-il en se référant aux atmosphères créées, dans lesquelles les symboles et les couleurs se répètent avec des significations mystérieuses et se réinterprètent dans un style moderne. Le site Internet cherche à transformer la musique de Taali M – un mélange de reggae, ska et pop-rock de la fin des années 1980, et de chants et rythmes africains traditionnels – en une expérience visuelle intense. « Taali M me demanda de créer un site Internet qui la ferait se sentir comme chez elle », commente Pierre-Christophe Gam, en soulignant que lui, il voulait créer « un lieu où elle puisse partager sa musique, ses vidéos et ses nouvelles, en même temps que ses rêves et ses aspirations ».
Frances Bodomo: Afronauts
La conquête de l’espace ne fut pas seulement une compétition enragée entre les États-Unis et l’Union Soviétique. La Zambie, qui devint indépendante à cette époque, planifia aussi un ambitieux programme spatial à l’initiative d’un professeur qui fit appel à l’UNESCO pour obtenir le financement d’un projet privé.
Ce financement n’arriva jamais et le programme zambien ne progressa pas au-delà de l’idée initiale et de la formation que reçut une future voyageuse spatiale de 17 ans. Cette histoire inspira la jeune réalisatrice Frances Bodomo pour un nouveau projet cinématographique. Son intérêt se portait principalement sur l’inébranlable optimisme de l’entreprise, ainsi que sur le message qu’elle renvoyait aux autres outsiders de ce monde, qui n’avaient aucune chance d’immortaliser leur nom dans l’histoire mondiale. Son film met en lumière, par d’impressionnantes images, le sérieux et la force nécessaires pour faire avancer une utopie telle que celle-ci, afin de servir de source d’inspiration à tous ceux qui croient en des idées aussi folles sans se laisser freiner par leurs doutes.