Courbe jaune I
1972Huile sur toile170,2 x 341 cm
Le travail de l'artiste américain Ellsworth Kelly (Newburgh, New York, 1923–New York, 2015) occupe une place de choix dans le catalogue consacré à l'art abstrait du XXe siècle. Son œuvre résiste au zèle classificateur de l'époque et, bien que l'on puisse constater certaines similitudes ou affinités avec certains mouvements de son époque, notamment le Hard Edge painting et le minimalisme, Kelly crée un univers qui lui est propre et qui rompt avec la dichotomie classique entre fond et forme.
Initialement formé à l'école des beaux-arts de Boston, spécialisé dans l'étude des grands maîtres de l'histoire de l'art et de leur technique, Kelly s'installe rapidement dans le Paris de l'après-guerre. Kelly abandonne au cours de ces années la figuration pour explorer les qualités purement picturales de la peinture, la dépouillant des limites du cadre pour que fond et forme deviennent un tout. L'architecture européenne et ses détails sont un nouveau centre d'intérêt pour Kelly, qui se penche sur l'exploration et l'expérimentation des formes ou motifs essentiels, cette recherche se reflète dans certaines de ses œuvres de jeunesse iconiques comme Fenêtre, Musée d'art moderne, Paris (Window, Museum of Modern Art, Paris 1949), préfigurant plus de deux décennies auparavant Courbe jaune I (Yellow Curve I, 1972), elle-même inspirée par la forme de l’imposte de sa maison de Spencertown, entre le premier et le deuxième étage[i]. Ce qui caractérise néanmoins le travail de Kelly, déjà présent à cette époque et dans ces œuvres, c'est la volonté de faire disparaître la personnalité de l'artiste et même si on ne peut pas dire qu'il l’ait farouchement entretenu, cette volonté est illustrée par la technique raffinée que Kelly utilise pour faire disparaître chaque coup de pinceau, marque, ligne ou "accident".
La longue et élégante courbe tracée par la peinture jaune veloutée et rayonnante, à l'intérieur d'une toile en forme de losange allongé horizontalement, transforme la surface blanche de Courbe jaune I (1972) en une ligne concave. L'huile jaune dessine une ligne d'horizon volumineuse, comme si elle était le fruit de la déformation de la toile elle-même plutôt que d'un acte délibéré de l'artiste. Cela nous incite à nous demander si la forme précède le fond, ou si c'est l'inverse. La peinture jaune a une corporalité différente de la peinture blanche, avec qui elle est en concurrence dans l'espace, ce qui ne peut être apprécié que par un examen très minutieux et détaillé, ce que Kelly ne trouvait pas particulièrement intéressant, car il tenait à ce que ses œuvres soient perçues comme faisant partie d'un tout, au moyen d’un langage visuel simplifié, sans exclure l'espace qui les entoure et en privilégiant la façon dont ce "tout" ou cet "ensemble" transforme la perception de l’observateur.
[i] Ellsworth Kelly: A Retrospective, cat. expo. The Solomon R. Guggenheim Museum, New-York, 1996, page 35
Titre original
Yellow Curve I
Date
1972
Technique / Matériaux
Huile sur toile
Plus d’infos
© Ellsworth Kelly Foundation
Dimensions
170,2 x 341 cm
Crédit
Guggenheim Bilbao Museoa
Perspectives
Courbe jaune I de Ellsworth Kelly
L’actrice et réalisatrice Leticia Dolera imagine une planète jaune et un vaisseau extraterrestre devant la mystérieuse œuvre d’Ellsworth Kelly, Courbe jaune I (Yellow Curve I, 1972). En compagnie du curateur Manuel Cirauqui, ils réfléchissent à la forme étrange de ce tableau, à son aspect architectural et à la pureté de sa couleur.