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Une vision biologique de l'Art

Les œuvres d’Ernesto Neto (Rio de Janeiro, 1964) ont été créées pour les traverser, les habiter, les ressentir, voire même les sentir avec notre odorat. Dans son interaction avec elles, le spectateur est inviter à expérimenter avec son propre corps, ses sens et son esprit.

Neto veut laisser le spectateur libre de jouer et d’expérimenter, mais en même temps, il nous demande d'être responsables et respecteux de l’œuvre d’art, qui, comme le corps humain, est fragile et doit être traitée avec un maximum de sensibilité et de délicatesse.

C’est pourquoi nous avons limité l’accès à certaines salles. Nous vous prions de suivre les instructions que vous trouverez tout le long du parcours afin de vivre la meilleure expérience artistique et de profiter de l’exposition sans nuire à la conservation des œuvres.

La fiche pédagogique qui suit traite de la vision biologique de l’art dans l’œuvre d’Ernesto Neto.


UNE VISION BIOLOGIQUE DE L’ART

Le corps féminin qui tombe (de Léviathan Thot) [O corpo que cai (Le corps) fêmea (de Léviathan Thot)], 2006

“Dans mon œuvre, tout est lié ; elle est basée sur les relations. Il existe toujours quelque chose de lié à quelque chose d’autre qui, à son tour, est en rapport avec une autre chose… et c’est dans ces relations que se révèle la confiance… C’est une danse. Quand tu danses, tu te découvres.”1 Ernesto Neto

Pour Ernesto Neto (Rio de Janeiro, 1964), la démarche artistique se vit comme un flux continu de matériaux, d’organismes, d’émotions, de sentiments et d’idées. Il veut relier les gens à l’espace et l’espace aux émotions, parce que pour lui cette interconnexion d’éléments est précisément ce qui caractérise le monde dans lequel nous vivons, un monde qui s’étire pour dépasser ses limites et se déployer sans cesse.2

La volonté expansive de l’œuvre d’Ernesto Neto résume les idées qui aujourd’hui surgissent de la Neuroscience ou de l’étude biologique du cerveau, puisque, selon elles, tout est interconnecté au moyen de signaux qui déclenchent un engrenage organique allant du niveau moléculaire aux associations complexes influencées par l’environnement. Les structures neuronales de notre cerveau, qui sont à la base de la perception, de l’émotion et de nos actes, se propagent de la même manière que le fait une liane souple inextricablement enchevêtrée dans l’épaisse jungle tropicale. Les installations d’Ernesto Neto peuvent être appréhendées comme une vision macroscopique de cette architecture neuronale, comme de puissantes métaphores du concept de flux et de plasticité.3

Ses œuvres, en général, évoquent des organismes vivants qui se développent et entrent en relation ; elles engendrent un mouvement continu dans lequel le propre spectateur est aussi intégré au courant. Ses pièces ne sont ni taillées ni peintes et ne sont pas non plus des images fixes, mais se trouvent dans un état d'évolution constante.

Le corps féminin qui tombe (de Léviathan Thot) est une installation constituée d’une filet de gaze monumentale et de bas de nylon de différentes tailles lestés de billes de mousse de polystyrène. Ces bas qui pendent du plafond prennent une forme tubulaire en fonction du poids et de la gravité et se terminent par des formations bulbeuses à leur extrémité. Ils pendent comme des pendules autour de nous et sur notre tête. La pièce transforme l’espace de l’Atrium du Musée, qui cesse d’être un simple contenant pour devenir un espace émotionnel où l’expérience artistique se transforme en un évènement multisensoriel. 4

En nous déplaçant entre les éléments de l’installation, nos sentiments entrent en résonnance avec les émotions des autres personnes avec lesquelles nous partageons l’espace. L’Atrium, à l’instar du spectateur, participe de l’œuvre d’art, mais non pas comme un corps étranger interférant avec elle, mais comme un élément qui lui est propre, comme une prolongation de l’œuvre.
Ernesto Neto voit son travail comme un mouvement continu, puisqu’il dépend de la force de la pesanteur: parfois il tend à retomber sous son poids ; à d’autres occasions, il se balance sous l’influence d’une force externe. Dans ces pièces, le poids, le contrepoids, la tension, l’équilibre et la gravité sont des éléments essentiels, qui entrent en dialogue avec les travaux d’autres artistes. 5

Ernesto Neto propose une construction biologique utopique, aussi bien sculpturale qu’architecturale, qui met l’accent sur l’interconnexion entre corps et espace. Nos corps sont à la fois une sculpture, une architecture et un paysage.6 Dans cette interrelation, la peau acquiert une valeur particulière, puisqu’elle constitue la frontière entre l’extérieur et l’intérieur des corps. C’est la ligne que comprime la lutte entre le dehors et le dedans, entre notre nature intérieure et notre culture extérieure. Toutes les relations commencent par le contact d’une peau avec une autre. Artistiquement, pour Neto, tout se passe dans la peau.7


CITATIONS :

1 Sur l’exposition “Intimacy”, à l’Astrup Fearnley Museum of Modern Art de Oslo. 7 septembre 2010 : http://vimeo.com/12637509

2 Ernesto Neto. The edges of the world. Interview (Min.: 0:46): http://www.youtube.com/watch?v=rHy6luikM-U
3 Raphaela Platow, “El cuerpo que me lleva”, dans Ernesto Neto: el cuerpo que me lleva, cat. expo. Bilbao: Musée Guggenheim Bilbao et Barcelona: Editions Polígrafa, 2014.
4 Ibid., p. 2.
5 http://bombsite.com/issues/70/articles/2274
6 Ernesto Neto. The edges of the world. Interview

7 http://vimeo.com/27022187

Preguntas

Observez l’oeuvre Le corps féminin qui tombe (de Léviathan Thot) et décrivez les éléments qui la composent.
Selon les élèves, quels sont les matériaux qui ont été utilisés ? Quelles sont les propriétés de ces matériaux ? Quelle sensation transmettent-ils ? Utilisez des adjectifs pour les décrire.

Que vous rappelle la forme de ce filet ? Que vous rappellent les formes pendulaires ?
L’œuvre de Ernesto Neto tombe du haut de l’Atrium du Musée et se propage dans l’espace, entrant en résonnance avec l’architecture du bâtiment.

L’Atrium est un grand espace sans colonnes de volumes incurvés qui relient l’intérieur et l’extérieur de l’édifice au moyen de grands murs-rideaux de verre. Il fonctionne également comme espace d’exposition et point de rencontre. Comment cette œuvre affecte-t-elle l’espace et son usage ?

Pour Ernesto Neto, toutes les choses du monde sont liées. Quelle relation trouvez-vous entre le filet et les formes pendulaires ? Énumerez les ressemblances et les différences entre eux.

Imaginez que ce sont des formes inspirées de l’organisme humain ; quelles parties évoquent-elles ? Mais s’il s’agissait d’un paysage, quel type de paysage serait-il ? Exprimez les émotions que vous y sentiriez.

Le poids et la gravité sont des éléments qui jouent un rôle important dans cette sculpture. Comment imaginez-vous que peut être le mouvement de ces formes en nous déplaçant tout autour de la pièce ?

Dans les œuvres d’Ernesto Neto, la peau est le lieu où commence la relation entre deux corps, et ce qui sépare l’intérieur et l’extérieur de ceux-ci. Réfléchissez sur l’importance de la peau dans Le corps féminin qui tombe (de Léviathan Thot). Imaginez que le matériau utilisé, au lieu de gaze de nylon, soit un autre. Dressez une liste de matériaux possibles en précisant comment chacun d’eux répond à la pression, à la lumière, au mouvement, etc.